L’obier de la Corbionne

Faut avouer
suis amoureux
d’un buisson
fort percheron
à en croire
l’Atlas des plantes sauvages
de l’Orne
qui peut atteindre
deux ou trois mètres
viorne obier
Viburnum opulus

Je la cherche
et ne la trouve pas souvent
pourtant, comme la poésie, mais

opulente et sauvage
une aube poétique lève
toute blanche
dans la sève
de la vieille langue
Aubour, albor
écrit le Roman d’Énéas

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Vocation de l’arbre

Comme ils restent de bois, ne cheminent pas, ne s’agitent guère sauf quand le vent souffle, comme nous les retrouvons quand nous les avons plantés là, nous peinons à comprendre qu’ils font davantage que de passivement offrir des fruits, un refuge, de l’ombre, de la fraîcheur, un perchoir. Tout juste nous espérons qu’ils puissent absorber l’excès de dioxyde de carbone que nous avons diffusé dans l’atmosphère.

Chaque arbre est un monde qui porte ses forêts de lichen et de mousse, ses tribus variées d’insectes, d’araignées ou de cloportes, et combien de continents pour des animalcules invisibles. Comme des bergers sur leurs échasses, ils prennent soin des troupeaux du vivant.

Leur action mystérieuse ne s’explique pas toujours : dès qu’on entre sous leur voûte verte, les muscles des épaules et de la nuque perdent leur raideur. On y prend une idée plus raisonnable de notre importance et de la brièveté de nos existences. Si vous couchez un bébé sous un arbre dans lequel les rayons du soleil jouent avec la transparence des feuilles, il cessera de s’énerver et de pleurer. Le malade guérira plus vite s’il voit un arbre par la fenêtre.

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Catalpa comment

En dévalant la pente
vieillesse, tristesse,
pierres qui roulent en avalanche
peut-on s’accrocher aux branches
d’un arbre
Nous retiendront-elles
au-dessus du gouffre ?

Quelle joie dans le catalpa
dont le nom commence,
je ne l’ignore pas
comme catastrophe
et finit comme mea culpa ?

À vrai dire
je tombe de paulownia
en catalpa

Leurs grandes feuilles
se ressemblent un peu
et offrent le même
rafraîchissant ombrage
mais les graines du premier
habitent des capsules arrondies
tandis que celles du second
pendent dans de spectaculaires
haricots géants que le botaniste
appelle siliques

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Rencontres sous le paulownia

Ce représentant de
l’internationale des arbres
que l’on a baptisé
Paulownia tomentosa
en l’honneur d’une
grande-duchesse de Russie,
puis reine consort des Pays-Bas
Anna Pavlovna Romanova
mécène de recherches botaniques
annonce-t-il quelque opérette
avec ballet de robes violettes
grandes feuilles en forme de cœur
quelque féerie en costumes
d’Obéron et Titania ?

En tout cas
peu d’arbres portent
le nom d’une femme
et, au Japon, paraît-il
on en plantait un à la naissance
d’une fillette
À l’âge du mariage
il était assez grand
pour fournir une dot
et le bois des coffres

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Baguenaudier

Poète amateur
hésitant randonneur
je muse, je musarde
dans la montagne
vers les sources de la Colombe
dans la Drôme

Au bord du chemin abandonné
un buisson m’interpelle
fleur jaune papillonnante altière
comme un genêt
rameau frais de robinier miniature
et surtout étonnant
flotteur ou bulle végétale
nettement couturée

Et miracle, selon mes flores
il s’appelle en français
baguenaudier arborescent
Et c’est décidé
je baguenaude
sur les pentes
et dans les mots

L’activité puérile
et inutile
consistant à faire éclater
la baguenaude
(rime à chiquenaude)
aurait donné naissance
à ce verbe de flâneur

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Hallier de genêt

Ô papilionacées
aux derniers jours de mai
se pose une floraison d’or
soudaine en bordure du bois

Coup de balai
dans les poussières et vieilleries
qui m’éloignent de la poésie
car de vrai je n’ai
pas encore célébré le genêt
qu’on appelle prosaïquement
broom en anglais
genêt à balais

Savant, Heinrich Friedrich Link le baptisa
mil huit cent vingt-deux cytisus scoparius
Mais Pline ou Virgile appelaient genista
ce bien-aimé des abeilles

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Chêne cherokee

Photo : chêne rouge de La Mennaie, Ploërmel, Morbihan, Yannick Morhan, site Les têtards arboricoles

À Dorceau, dans le Perche
entre le cimetière et l’église
dans la forêt de Bellême
au coin d’un bois
quel est-ce chêne
aux feuilles plus anguleuses
et plus grandes
plus lentes à se décomposer
aux glands plus abondants
dont la cupule est plus courte
le tronc plus lisse
que ceux d’ici ?

Ses couleurs automnales
ont décidé Linné
à le baptiser chêne rouge
dit aussi chêne du Canada
ou d’Amérique, quercus rubra

Quelqu’un au dix-septième
ou dix-huitième siècle
a rapporté des glands d’Amérique
dans une caisse à fond de cale
et bientôt toute l’Europe
a fait pousser des chênes rouges
à la croissance plus rapide
au bois moins solide
si bien qu’on le considère
comme invasif, ici et là Continuer la lecture de « Chêne cherokee »

Printemps de l’aubépine

Au printemps
en même temps
que les ombelles plus discrètes du sureau
aubépine jette sa robe de mariée
ses voiles neigeux, mousseux
immaculés et somptueux
en travers de la haie,
la déborde et l’enjambe

Sa beauté semble jaillie
d’un autre temps
d’un autre espace
d’une flore imaginaire
aubépine, roncenuit,
créprunellule
et l’on veut bien croire
qu’elle est enracinée
dans le pays des fées
que son terreau est le mois de mai
dédié à la vierge Marie
constellation de fleurs à cinq pétales
touchées de rose Continuer la lecture de « Printemps de l’aubépine »

Le chêne de l’énigme

Alors que non loin de la Rouvre
les chênes fleurissent
sans grand tintamarre
je rêve à une énigme
que je ne résoudrai pas

Le secret du chêne rencontre celui des Celtes
dont la religion est surtout connue
par ceux qui les ont colonisés

Maxime de Tyr, Grec du deuxième siècle
sur qui l’on ne sait presque rien
écrit dans sa huitième dissertation
Faut-il représenter les Dieux sous des emblèmes sensibles ?
Κελτοὶ σέβουσιν μὲν Δία,
ἄγαλμα δὲ Διὸς Κελτικὸν ὑψηλὴ δρῦς
que l’on a traduit par
« Les Celtes adorent Jupiter,
et le Jupiter des Celtes est un grand chêne »

Mais Maxime écrit plus précisément
« L’agalma de Zeus est un grand chêne »
Faut-il comprendre « statue  », « offrande »
« emblème » ou « image » ? Continuer la lecture de « Le chêne de l’énigme »