Appliqué à voir ce qui n’est plus là
je sais enfin l’arbre fantôme
qui me hantait, c’est l’orme
« Sentez-vous son parfum spectral
frais le matin après une averse printanière ? »
Enfant, entre soixante-dix et quatre-vingt
je n’ai pas vu les grands ormes mourir
presque tous étouffés par la graphiose
épidémie revenue avec des bois américains
J’étais plus près de l’orme Saint-Gervais
l’arbre de justice, que de Saint-Fulgent-des-Ormes
Ici en Normandie, il était partout
et n’est plus nulle part, nul écho
Ses samares, graines circulaires
ne volent plus dans nos airs
Son pollen n’est plus porté par le vent
au loin sur la colline, à perdre haleine
Il ne prête plus son bois aux charpentes
aux navires, tubulures, pièces d’industrie
son allure, aux allées, quinconces, portiques
chambre de verdures des grands jardins
son feuillage aux bœufs privés de foin
son écorce aux remèdes ruraux
Ulmus, pourtant, ormeau, orme
nom proche d’homme
À l’époque du vieux Pline
on y faisait grimper les vignes
Ceux de la tribu gauloise des Lemovices
étaient les « vainqueurs à l’orme »
Combien de millénaires avant que
notre négligence ne le vainque
Il en resterait une centaine dans l’Orne
Si vous savez où, dites-le-moi
mais tout bas