Plus de questions que de réponses
Souvent
Ma maison, mon arbre
l’adjectif possessif
Ô ma femme, ma main
me laisse perplexe
et je soupçonne une erreur
ma nuit, ma colère
ou une hérésie habituelle
sur laquelle je ne parviens pas
à mettre le doigt
mon doigt ?
Où est l’acte notarié
qui m’en accorde propriété ?
Je crains de l’avoir égaré
Suis-je possédant ?
De quoi, nanti ?
Suis-je possédé ?
Ma mère
mère de frères et de sœurs
leur mère
range ses affaires
Pour notre départ, enfin
quand c’est l’heure
nous n’emportons rien avec nous
nous sortons du monde
aussi nus que nous y sommes entrés
Ce n’est pas de moi
mais d’une vieille sagesse
Qui d’autre s’est invité
dans mon poème ?
Est-il leur ?
Si quelqu’un le lit
y glisse-t-il ses mots
entre les miens ?
Copropriété ?
Ma maison n’est pas ma maison
Des ombres l’ont habité auparavant
et d’autres viendront normalement
Elle les a vus passer
naître, mourir peut-être
Elle nous accueille certes
mais nous sommes une hirondelle
entrée par une fenêtre, sortie par l’autre
quelques instants entre ses murs
Mon arbre n’est pas mon arbre
Né longtemps avant moi
il me concède
quelques fruits, un peu d’ombre
sa fraîcheur, ses soupirs
Qui l’a planté, qui l’a taillé ?
Avec qui dois-je partager
la cueillette ?
Ma femme n’est pas ma femme
j’ai beau être possessif
autant qu’un adjectif
Ma femme est sa propre femme
Un jeu de mots nous abuse
qui possède qui ?
Mes aubépines
abandonnent leur parfum
au vent bourdonnant
Mon domaine, mes propriétés
tout ce qu’on peut me retirer
Ô visite de l’huissier
est-il bien à moi ?
Entre le possessif et l’affectif
l’ambiguïté persiste
Mes doutes me nourrissent
Comme le poète
je vais me concentrer
sur des propriétés moins contentieuses
plus indivisibles
Silex, galet, coquillage, plume
tesson, graine, grain
brin d’herbe et goutte de rosée
qui ne sont qu’à eux-mêmes
jusqu’à ce qu’un enfant
s’en empare, puis les abandonne