Abord : des eaux de la Colombe
au col du Royet
sept cents mètres de dénivelé
monde végétal gradué :
sous-bois feuillus
source de menthe sauvage
cailloux et pommes de pins
chênes tors
raidillon des beaux hêtres
jusqu’aux prairies d’altitude
sèches et fleuries
couronnées d’un buis
épargné par la pyrale
Mi-pente un arbuste
smoke tree dit l’anglais
s’empanache de fumées
d’aigrettes mousseuses
aériennes, du blanc au rose
sauvagement raffinées
au-dessus de feuilles
ovales, vernissées
plus érigées que tombantes
Automne me souviens-je
leur donne, spectaculaire
un éclat qui va
de l’incarnat à l’orange
Tanneurs, teinturiers
industrieux
en tiraient un beau jaune
orangé pour cuir ou laine
D’ailleurs « sumac »
et « fustet » viennent de l’arabe
par l’espagnol
Maroquinerie ?
Mais si je cherche son nom latin
soudain sort du bois
un abbé de cour
précieux, incongru
du dix-septième siècle
collet, soutanelle
manche de dentelles
et talons rouges
Sûr, c’est l’arbre à perruques
Cotinus, comme l’abbé Cottin
Boileau et Molière ont moqué
ce poète mineur
qui appelle le miroir
« cristal d’amour »
ou « onde solide »
Mais laissons le redescendre
par la route forestière
Notre arbuste aime être
les racines au sec
les branches humides
de rosée
Quelle opération alchimique
ou poétique réveille
la beauté endormie
dans la banalité du buisson ?
Fumée des aigrettes
Flamme des feuilles écarlates
Le sumac fustet
a tout d’un buisson ardent
où brûlerait un dieu immanent
diffusé dans la nature
horizontalement