Quel mystère
cache le coing
Cydonia oblonga ?
Au moins un « g » muet
comme à sang ou poing
ancêtre dur à cuire ?
Le nom de l’arbre
« cognassier »
évoque d’ailleurs une dureté
que ne dément pas
toujours la chair du fruit
Ses roses
délicatement roses
à cinq pétales
au bout de branches torses
égaient au printemps
les bords des rivières
et des fossés
Petit, râblé
souvent mal coiffé
dans la Drôme
j’en suis témoin
il repousse
naturellement
et résiste à la canicule
Né sur quelque rivage
de la mer Caspienne
Iran ? Azerbaïdjan ?
il aurait parfumé
les jardins suspendus
de Babylone
Aujourd’hui son fruit
est peu célébré
Néanmoins
il est possible
que toutes nos pommes antiques
pomme d’Ève
pomme du Cantique des cantiques :
ton haleine, comme une odeur de pomme
et encore pomme de discorde
pomme d’or des Hespérides
pommes jetées par Atalante
fussent en réalité des coings
En tout cas, ses reliefs
sa texture veloutée
l’ont poussé jusque dans
les natures mortes
de Zurbaran, Chardin
ou Van Gogh
En latin Malum cotoneum ?
Bizarre croisement
étymologique et végétal
Pour Pline l’Ancien
dans l’inépuisable
Histoire naturelle
le coing vient
de la cité de Kydonia
en Crète
L’abondance de fruits courbe
les rameaux et empêche
l’arbre de croître, pense-t-il
Pourtant le cognassier
servira de porte-greffes
à de nombreux poiriers
rappelle l’Encyclopédie
À Rome, on s’en sert pour
parfumer les pièces
et on le place sur les statues
dans les chambres
à coucher, dit encore Pline
Pourquoi ?
Le sage Solon d’Athènes
selon Plutarque
recommandait
que les nouveaux époux
mordent au même coing
avant leur première nuit
Je ne sais trop ce que
ce que cela signifie
Le cognassier figure aussi
dans une ordonnance
dite capitulaire
de Charlemagne
parmi les seize essences
à planter
aux vergers impériaux
Tous ces grands personnages
n’auraient pas impressionné
ma grand-mère
Marguerite
qui confectionnait
tous les automnes
familialement
des plateaux entiers
de pâte de coing
on dit aussi « cotignac »
avec des fruits cueillis
dans un coin
de son terrain
près de Mesquer
Loire atlantique
Un parfum d’enfance
colle encore aux doigts
cent ans après