Phobographie

Réveillé un matin par une sorte de migraine, je suis resté persuadé qu’on avait inventé, à peu près à la même époque que la photographie, un autre procédé de reproduction du réel, et en particulier des êtres vivants, plus ressemblant et plus émouvant, mais moins célèbre et moins répandu, puisqu’il provoque des malaises, des névralgies, des accidents, voire dans les cas les plus graves des mutilations ou même des disparitions chez les sujets dédoublés par l’image, mais aussi chez l’opérateur. On peut même imaginer qu’il ait été interdit, et que ceux qui continuent à le pratiquer le font dans la clandestinité. Je me suis trouvé très préoccupé que certains continuent à créer de dangereux portraits d’enfant de cette manière. On murmure que l’écrivain cubain José Carlos Somoza l’aurait pratiqué.
Si ce procédé avait dû avoir un inventeur, ç’aurait assurément été Claude Niépce, frère aîné méconnu de Nicéphore Niépce. Installé à Londres, dans le quartier d’Hammersmith, il pensait avoir davantage de chance de faire financer ses inventions. La suite prouverait qu’il avait tort, et il sombra dans la folie.
J’imagine que cette technique repose sur le prélèvement par quelque magie inexplicable d’une très fine tranche, une lamelle transparente, presque impalpable de nerfs et de chair du sujet, comme l’on en fabrique pour les observations au microscope, puis son insertion dans l’image créée. Le sujet représenté comme l’image peuvent continuer à souffrir de cette séparation encore palpitante.
À la suite d’une erreur d’étiquetage, le procédé aurait été baptisé « phobographie », soit « matérialisation de la terreur », alors que son inventeur aurait choisi « phoibographie », en hommage à la luminosité du dieu grec Apollon.
Hélas le développement insensé de la phobographie, sa diffusion sur des plateformes comme Instagram, Facebook etc. nous exposent à des douleurs et à des malheurs démultipliés

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