Ici le soc de la charrue
quand on laboure
la terre grasse
tinte souvent
sur une dure caillasse
J’habite un pays de silex et d’argile
On dit même d’argile à silex
La dialectique est naturelle
Incisif et concis, silex parle au poète
une langue tranchante
Substance amorphe et fuyante, argile
pose un autre défi
alourdit les souliers
les sabots quand on arpente
la terre mouillée, et ralentit
et tire vers le bas
Silex, frappé sur un roc ferreux
provoque une étincelle
Silex allume le coup de feu
d’une platine à miquelet
Mais argile a du talent
piège l’eau
apprend aux doigts
à modeler en
trois dimensions
Œuf de feu, silex
prend ici des couleurs
qui vont du caramel
à l’incarnat
Argile se craquèle
grisaille
et cimente
par temps sec
étouffant la plante
Silex parle à l’artisan
des secrets de taille
de symétrie
quête de forme idéale
biface, racloir
pointe de flèche
hache, feuille de laurier
Argile trop mouillée
n’est que boue
mais au bon degré
glaise à modeler
premier homme
première femme
golem et tablette
d’écriture en coins
Et cuite, faïence
depuis dix huit mille ans
aussi dure que le silex
Lui même roche fossile
(il n’en naît plus)
au départ aussi une boue
au fond de l’eau
saturée de silice
qui s’est cristallisée quasi
et a expulsé vers la périphérie
une coque d’impuretés blanchâtres
J’habite un pays d’argile à silex
de dents de dragon
semées dans la glaise
de feu souterrain
et de révolte larvée