Quelle parole a surgi près de moi,
Quel cri se fait sur une bouche absente ?
À peine si j’entends crier contre moi,
À peine si je sens ce souffle qui me nomme.
Pourtant ce cri sur moi vient de moi,
Je suis muré dans mon extravagance.
Quelle divine ou quelle étrange voix
Eût consenti d’habiter mon silence ?
Du Mouvement et de l’Immobilité de Douve, Yves Bonnefoy, Poésie/Gallimard.
Nouvelles représentations de La Ligne jaune les dimanches 11, 18 et 25 novembre à 19 h au Grand Parquet, le jardin d’Éole, 35 rue d’Aubervilliers, 75018 Paris.
Les arbres, certains confient aux vents de petits aérostats qui emportent chacun une graine dans les tourbillons. Quand la saison est là, érables, tilleuls, frênes ou charmes lancent dans la bourrasque, de toute leur hauteur, ces samares, appareils légers qui doivent emporter leur lignée en des terrains qui lui seraient inaccessibles autrement.
Et volent de singuliers papillons, aux ailes vert pâle, brunes ou acajou, plissés et dissymétriques, lestés pour mieux tournoyer sur eux-mêmes, dont un grand nombre se perd en des lieux stériles.
Confier à la rafale le soin de sa descendance, voilà des façons bien étranges.
Et puis on se rappelle la belle réclame gaufrée que portaient les épais dictionnaires Larousse : « Je sème à tout vent. ». De vrai, où atterrissent les mots lâchés sur la page ? Germent-ils jamais ?
Très seul, loin du poème, en un bois déserté,
Je m’assaille à la hache, muet déserté,
Et les poèmes qui parfois tombent de moi
Font à peine le bruit d’une feuille morte dans les sous-bois
Homme de la nuit,
J’ai vécu dans un monde détruit ;
Mots, gestes ont dû grimper de ruine en ruine.
Le festival des arts de la rue Cergy Soit a programmé quatre représentations de La Ligne jaune, création réalisée avec les Grandes Personnes, les samedi 15 septembre (16h30 et 18h30) et dimanche 16 septembre (16h30 et 18h30) sur le parvis de la Préfecture (côté anciens cinémas).
Catherine Lépront a « inventé » mon premier roman, alors qu’il n’intéressait encore personne. C’est elle qui l’a déniché au milieu d’une pile de manuscrits et a pris contact avec moi. Je me souviens qu’elle n’aimait pas les suffixes en -et ou -ette, les jardinets ou les maisonnettes, alors qu’ils me rappelaient du Bellay ou la Pléiade, et que je m’appelle « Evette », ce qui ressemble à un diminutif. Elle prenait la question du narrateur très au sérieux, comme les gens qui perçoivent les résonances morales d’un choix esthétique. Et puis c’était une femme aimable, encourageante, qui m’a paru dotée d’un grand sens de l’humour et, encore, d’une personnalité vibrante.
Texte écrit pour et avec les Grandes Personnes, La Ligne jaune raconte avec des santons la naissance, la vie et les luttes de l’usine Renault de Cléon. La Ligne jaune est en ce moment en tournée dans les Pyrénées dans les centres de vacances de la CCAS. L’ensemble de l’usine, des machines et des personnages tient dans deux grosses valises. C’est Raphaële Trugnan qui interprète d’une manière émouvante cette épopée ouvrière du 20e siècle en jouant avec une trentaine de santons.
Un petit reportage en anglais, comme avant-goût ou comme souvenir du spectacle écrit collectivement pour le National Arts Festival de Grahamastown, Afrique du Sud.
La lignée, les arbres la comprennent différemment. Leur généalogie remonte à des ères dont nous n’avons pas mémoire. La hauteur et la puissance de leurs ancêtres nous dépassent. D’ailleurs, à l’assaut des rocailles ou des dunes, un arbre enterre une branche ou pousse une racine : il engendre alors des jumeaux parfaits sans l’intermédiaire des fleurs et des fruits. C’est nos conceptions qu’il bouleverse. Ces bosquets, ces taillis sont-ils le même individu dans plusieurs corps ou plusieurs individus au lignage identique ?