Il s’appelait Alain Morin, je l’ai très peu connu. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, il est tout à fait oublié, sans doute. Il a écrit une page à laquelle je repense souvent, à cause de ce qu’elle dit de simple et de profond sur la poésie.
Depuis, je me figure souvent le poème comme un texte inscrit sur une boule de papier froissé. On voit certains mots en surface, mais nombreux sont ceux qui se trouvent, invisibles, en dessous. Et l’on peut tenter de déplier le poème, comme on déplie la feuille.
J’écris une phrase et froisse en boule la feuille de papier. Je la vois s’épanouir lentement et respirer sur la table. Elle ne peut être cette sphère parfaite dont je rêve. Il faudrait modeler ses contours en la compressant longuement et fortement dans ses mains. Ainsi la surface plane peut devenir un volume écrit à l’intérieur. Je songe à un livre sphérique dont quelques uns connaîtraient le contenu, la charge abstraite, un secret comprimé dont nul n’oserait défroisser la grandeur signifiante et qui irradierait par la seule volonté de l’écriture emprisonnée dans sa beauté.
Alain Morin, Solitude d’été, André De Rache éditeur, Bruxelles, 1980.
J’ai dans ma bibliothèque d’autres recueils : Alain Morin, OPAQUE précédé de LES GRANDS FROIDS (préface d’Yves Martin), éditions Saint-Germain-des-Prés, 1975 ; LE BOXEUR DE L’OMBRE (préface d’Edmond Humeau), fagne, collection in-octavo, Bruxelles, 1975, et encore l’écriture lumière, poèmes, éditions actuelles formes et langages, Uzès, 1970.
Au dos on lit ceci :
Parfois l’impression du mot est telle
Qu’il apparaît en intaille au verso de la page.
Le mot traverse toutes les pages du livre
Le bois de la table
Le sol
La terre.
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