Au théâtre de prairie sèche
pâturage abandonné
partout sur les pentes
du Château Vieux
dans les marnes d’Aurel, Drôme
dont j’ai la nostalgie
plusieurs mois par an
Genévrier commun
commun quoi ?
Léonard a peint au fond
du portrait de Ginevra de Benci
ses hélices anguleuses
Des hôtes m’ont appris
que sur les Causses
c’était l’arbre de Noël
puisque sempervirent
Ici, rareté au dos d’une haie
du Perche, près de l’Anglecherie
Peut-être les a-t-on arrachés
brûlés, juniperus communis
Ils étaient, m’a-t-on dit,
plus nombreux jadis
Comme les ajoncs
on oublie facilement
qu’on les a plantés
et cultivés en d’autres temps
Et pourtant
Ses feuilles sont des aiguilles
blasonnées d’une bande blanche
orfévrées par trois
autour de la branche
Les plants femelles
sont fécondées par le vent
Ô généreux genévrier
tu as rendu impraticables
quelques vieux chemins
mais tu es un ami d’enfance
et je te dois depuis toujours
un poème ébouriffé
qui tient le mal
à l’écart des animaux
arrête les sorcières
en les obligeant
à compter les épines
Oui, je te dois
un poème hirsute
et parfumé
dont les rimes
flambent bleu-vert
et dont les fruits
plutôt galbules
restent trois ans
accrochés aux branches
vertes, violettes, noires enfin
Genévrier familier
en fumigation
pour éloigner la peste
fumer les jambons
Genièvres délicats
pour parfumer les gibiers
aromatiser les alcools du nord
cuisiner une confiture du sud
infusé pour nettoyer les fûts
et mille autres choses
Malgré ces us ordinaires
tu as tes lettres de noblesse
et de violence
Ça va ensemble
il semble
Dans un conte recueilli
par les frères Grimm
genévrier poussé
sur la tombe d’une mère
se transforme en oiseau
pour dénoncer et venger
le fils assassiné
par la marâtre
Mieux encore, sous l’énigmatique
devise « Souffrir non souffrir »
il clôt du Lyonnais
Maurice Scève la Delie
Objet de plus haute vertu
par une promesse d’éternité
ardente et amoureuse
Notre Genèvre ainsi doncques vivra
Non offensé d’aucun mortel Létharge.
Alors que Pétrarque ai-je lu
voyait tout brûler
tout s’endormir
sous les cendres
du triomphe du temps
Que vive la vertu
verte, un peu bleutée
piquante, brouillonne
rêveuse et irrégulière