Fleurs et feuilles printanières
dans la bibliothèque de la haie
offrent toujours même après des années
quelques surprises
Comme un florilège poétique
ignoré jusque-là
se révèle au long d’une route familière
arbrisseau ou arbuste, tressé aux autres
petites fleurs blanches
en corymbes circulaires
dont le parfum vaguement malodorant
attire sans doute d’autres que nous
feuilles d’une verdeur de menthe, veloutées
finement dentelées, bourgeons nus
On lui a attribué tellement de noms
que cela crée un flou
son histoire doit être longue
et riche en langues anciennes
rurales et païennes
Lantane magique
barbaris occidentale
mancienne prophétique
cochène vicinale
valinier erratique
auborne matinale
alatier véridique
Viorne pour simplifier
viorne cotonneuse
viburnum lantana
poussé d’une racine latine
qui signifierait lier ou tresser
Pour compliquer
très légitimement
en Bourgogne
on nomme « viorne »
la liane clématite
aux graines plumeuses
Viorne pour vannier, donc
baies pour encrier
ou remèdes de jadis
écorce pour cuisiner de la glu
et quelle sorcellerie encore ?
Et puis pour un montagnard
d’il y a cinq mille ans
longtemps gelé
dans un glacier
fûts de flèches
à pointe de silex
dans un carquois de bouleau
Il fut tué d’un tir dans le dos
par un autre archer
À l’autre haie un peu plus loin
autre viorne aux feuilles palmées
obier, viburnum opulus
fleur sauvage spectaculaire
couronne de grandes
efflorescences blanches
autour de plus petites
Obier, aubier, rose de Gueldre
caillebot, charcoulier
sureau d’eau
bois à quenouilles
amour de l’Ukraine
fruit rouge comme le désir
qu’on ne mange que là-bas
cuit, recuit et mélangé
Jardinier, si j’osais te conseiller
je dirais, remplace ton cultivar pomponné
par la sauvagerie d’un obier
et apprends la frêle beauté sans apprêt
Hélas, le temps d’écrire
le taille-haie
des services départementaux
est passé et des viornes
il n’est plus rien resté
que le poème