Narrateur : Annibal Mousseron, terroriste timide
Cherchant à gravir les sommets du texte, guerroyant à la fois contre lui-même et contre la phrase, guerre intestine qui durera aussi longtemps qu’il se mêle d’écrire, Annibal Mousseron achoppe toujours sur la même pierre, bute toujours sur le même obstacle, il s’agit d’une libération dont il ressent la nécessité, mais ne sait nommer et encore moins pratiquer. C’est là le vif du sujet, la déchirure.
S’il savait précisément ce qui le limite, ce qui le bride, pourrait peut-être s’en libérer… Mais ne conçoit pas clairement la nature de ses chaînes, et comme une bête, s’agite, tire stupidement dessus, s’encolère, ne rêve son affranchissement qu’en termes de destruction ou d’explosion.
Certes, de loin, admire les stridences et les irrévérences des lettristes, l’accélération hissée au rang de principe des futuristes, des unanimistes l’affirmation de leur ubiquité. Certes, envie jusqu’aux tracés irraisonnés, hallucinés, presque chromosomiques de Henri Michaux. Certes l’Anna Blume de Kurt Schwitters ou son Ürsonate… Certes, aurait été tenté d’écrire en neumes, en mégapneumes, comme Gil J. Wolman, pour ne communiquer qu’en nuances de souffles, expirations, inspirations… Certes veut croire à la folle loi énoncée par Jean-Pierre Brisset, » Tout ce qui est écrit dans la parole et s’y lit naturellement est vrai. Les sons qui s’écrivent clairement de plusieurs manières sont vrais, sous toutes les formes et présentent entre eux un rapport mathématique logique, une origine unique. »
Mais a beau invoquer ces conquêtes, toutes sont hors d’atteinte de sa prison, sauf l’almanach Vermot.