Ferai des vers de pur néant :
Ne sera de moi ni d’autres gens,
Ne sera d’amour ni de jeunesse,
Ni de rien d’autre.
Les ai trouvés en somnolant –
Sur un cheval !
Ne sais sous quelle étoile suis né.
Ne suis allègre ni irrité,
Ne suis d’ici ni d’ailleurs,
Et n’y peux rien :
Car fus de nuit ensorcelé
À la cime d’une colline.
Ne sais quand fus endormi,
Ni quand je veille si on ne me le dit.
J’ai bien failli avoir le coeur brisé
Par la douleur :
Mais m’en soucie comme d’une souris
Par saint Martial !
Malade suis et me sens mourir,
Mais n’en sais pas plus qu’en entends dire.
Médecin querrai à mon gré,
Mais ne sais quel :
Bon il sera s’il peut me guérir
Mais non si mon mal empire.
L’amie que j’eus : ne sais qui c’est.
Jamais ne la vis par ma foi,
Rien ne m’a fait qui me plaise ou pèse,
Et ça ne m’importe pas plus
Qu’il vint jamais Normand ou Français
Dans ma demeure.
Jamais ne la vis et l’aime fort.
Jamais ne me fit justice ni tort.
Quand ne la vois, en fais ma joie
Et ne l’estime pas plus qu’un coq :
Car en sais une plus aimable et belle
Et plus précieuse.
J’ai fait ces vers ne sais sur quoi.
Et les transmettrai à celui-ci
Qui les transmettra à un autre
Là-bas vers l’Anjou :
Que celui-là m’en renvoie, de son fourreau –
En contrepoint : la clé !
Via Michaël Grébil, Sixains de Guillaume d’Aquitaine, traduction de la langue d’Oc de Patrice Guinard.
http://cura.free.fr/docum/706Agui.html