Nasr Eddin est en train de donner la leçon à ses jeunes élèves, lorsque entre dans la salle de classe le père de l’un d’eux. Il vient offrir au Hodja une magnifique assiette de baklavas, qu’il n’a naturellement pas l’intention de partager avec ces garnements.
Malheureusement pour lui, le maître, presque au même instant, est appelé au dehors pour une affaire urgente. Non sans avoir posé l’assiette sur une haute étagère, il déclare en sortant :
– Surtout, les enfants, n’y touchez pas ! Ces friandises sont empoisonnées, et en manger vous ferait mourir.
À peine a-t-il le dos tourné, que les enfants, qui n’ont pas cru un mot de cette histoire, s’emparent de l’assiette et lui règlent son compte avec délices en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Lorsque Nasr Eddin revient, il découvre une scène consternante : les enfants se roulent de douleur en gémissant, et à terre gisent les mille morceaux de son bel encrier de porcelaine.
– Vous êtes touts des chenapans ! s’écrie le Hodja, qui a tout de suite constaté la disparition des baklavas. Vous serez sévèrement punis.
– Ô maître ! réussit à dire l’un d’eux dans un râle de douleur, ne parle pas durement. Nous avons été si confus d’avoir cassé ton encrier que nous nous sommes tous suicidés en mangeant les gâteaux empoisonnés.
– Ah ! relevez-vous, chers enfants. Je vous félicite d’avoir si bien compris l’essence de mon enseignement.
Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja, préparées et présentées par Jean-Louis Maunoury, Phébus.