Et j’ai vu la poésie en rêve :

Dans un cadre rectangulaire presque entièrement vide, qui ressemblait à quelque chose de moins clos et de plus vivant qu’un rectangle, peut-être un cartouche comme dans les inscriptions sacrées de l’Égypte antique, dont la bordure était d’une couleur entre le brun et l’orange, un aphorisme d’une ou deux phrases se déployait autour d’un signe, en formant un angle sans violence, ainsi qu’une composition typographique constructiviste, par exemple, une mise en page d’El Lissitsky pour Maïakovski . 

Ce signe  que je ne parviens pas à décrire, pas plus que le cadre qui l’entourait, n’était pas sans ressemblance avec la monade hiéroglyphique de John Dee, l’arrobase ou l’espérluette, quelque symbole, idéogramme ou lettre inconnue, suscitant l’idée de lien, ou peut-être de repli ou de boucle, ou alors d’un ancrage, puisque, et c’est là l’essentiel après ce long préambule, ces phrases entrevues établissaient des fondations fermes et irréfutables pour la poésie.

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Un bouquet d’épines – Remix mash-up pour Erolf Totort

ronce photo snv.jussieu

Épines adventices
indésirables, tenaces
hôtes rebelles à la marge
aventurières de la zone
à vous fréquenter
on ne repart pas sans écorchure

Vous n’êtes pas de haute futaie
de vieille lignée
mais sauvages et familiers
ascètes des terres ingrates
vous dormez dehors
en terrains vagues

Épines dans le pied
bien pensant
vous semez un désordre punk
au jardin français
et n’offrez vos fruits
qu’aux vagabonds

Prunellier qui constelles
de perles bleues
givrées de pruine
la clôture que tu chiffonnes
âpre, astringent, et piquant
Épine noire pour résumer

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Adaptation cinématographique de Bona Kele

Sous la direction de Dominique Bonnot, les élèves de l’option cinéma du lycée Suger ont réalisé cette adaptation du spectacle franco-burkinabé Bona Kele, pour lequel j’ai assuré les recherches en France et l’aide à l’écriture, avec la compagnie les Grandes Personnes.

La Fée et la Diablesse, de Lucia Lazzerini, aux éditions Carrefour Ventadour, par Édouard Schaelchli

            À quel type de réflexion doit nous conduire le livre (on ne sait par quelle épithète le qualifier : candidement étrange, ou merveilleusement retors ?) de Lucia Lazzerini que publient les Cahiers de Carrefour Ventadour ? Le titre, séduisant au possible, La Fée et la diablesse, se double d’un sous-titre auquel il faut bien prêter attention si l’on ne veut pas, tombant dans le travers d’une lecture non pas tant naïve qu’importunément complaisante aux clichés d’un féminisme à double tranchant, passer à côté de l’essentiel, qui est sans doute d’interroger en profondeur nos conceptions en matière de parité ou d’égalité, en nous obligeant à doubler (à notre tour) une approche qui se voudrait platement sociologique d’une approche plus détournée empruntant les voies transversales d’une poétique ouverte aux enjeux politiques et idéologiques : Histoire d’une hantise poétique et mondaine de Flamenca à Calendau et Pinocchio jusqu’à La Recherche du temps perdu. Ouf, respirera peut-être l’éventuel lecteur que nous invitons assurément à prendre son souffle avant de se lancer dans une pareille navigation à travers les siècles, les thèmes, les genres et les milieux qui, se croisant allègrement dans cet essai aux allures mêlées de pamphlet et de roman historique, composent un surprenant, déroutant et parfois inquiétant kaléidoscope.

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Monologue du vieux boxeur

Souffle.
Respire.
Tiens ta garde.
Souffle.
Respire.

Corde à sauter, sac de sable, poire de vitesse.
Shadow boxing !
Comment on dit shadow boxing en français ?
Boxe dans le vide ? Boxe simulée ?
Pas de simulation là-dedans.
Boxer contre son ombre ?
Oui, je boxe contre moi-même.
Contre l’ombre, contre mes fantômes.
Je boxe contre l’ombre qui veut tout envahir.

Pendant des années, tous les soirs, après le boulot, j’ai pâli dans la lueur artificielle des salles de boxe, où ça pue les pieds, la sueur et le mâle.
J’ai travaillé la mobilité, j’ai travaillé l’endurance, j’ai travaillé l’esquive.
Loin des projecteurs et des applaudissements, loin du public.
Depuis mes douze ans, six jours par semaine.
Je me suis battu contre moi-même, jusqu’à la douleur, jusqu’aux muscles noués, jusqu’au souffle court, jusqu’à l’asphyxie.
Il faut que je respire. Continuer la lecture de « Monologue du vieux boxeur »

Laurier sans couronne

Il faut rester
sous tes branches
pour sentir ce que tu sens
Ô laurier
écouter ce que tu contes
entendre si une nymphe
soupire dans ton feuillage luisant
tout bas
dans une langue secrète

Tenons-nous, toi et moi
loin du tintamarre assourdissant
des clairons, des trompettes
du fracas des glaives
des victoires militaires
des gloires à l’Antique
Plus près d’une vérité végétale ?

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