Une dizaine d’année avant le phonographe d’Edison, un français, Édouard-Léon Scott de Martinville avait inventé une machine à noter les sons, le phonautographe. Une équipe américaine dirigée par les chercheurs Giovannoni et Feaster a retrouvé dans la bibliothèque de l’Académie des sciences, ce bref fragment de « Au clair de la lune », chanté par une voix de femme en 1860… Hélas, le phonautographe ne permettait pas de réécouter les sons et il a fallu un ordinateur pour reconstituer celui-ci.
Scott de Martinville est un personnage attachant, il était typographe dans une imprimerie et s’est ruiné pour mettre au point un appareil qui ne lui a guère valu de reconnaissance. Il a également été libraire, rue Vivienne à Paris, et auteur de brochures. D’une famille d’aristocrates ruinés, il a baigné dès l’enfance dans l’invention, puisque son père tentait de mettre au point des dirigeables.
On doit pouvoir écouter le son fantôme grâce à ce lien : 1860v2.mp3 Il a les mêmes qualités spectrales que ces anciennes photos où les personnages ne sont que des tracés vagues, car ils sont passés trop vite pour impressionner la plaque.
Une image du phonautographe, tiré des Merveilles de la science, ou Description populaire des inventions modernes, T. 6, de Louis Figuier, vers 1867 :
Paru enfin, en mai, un essai sur « Les entrailles de la ville »
Sur l’invitation de Denis Mellier, pour le numéro que la revue Otrante spécialisée dans le fantastique consacre à Londres, j’ai commis un essai sur « Les entrailles des villes », il y est question du journaliste Henri Mayhew et de son enquête des années 1850 sur le peuple des rues de cette ville, des égoutiers pirates et des ramoneurs, qui fouillaient les boyaux et les sphincters de cet organisme géant.
À paraître, un petit texte intitulé « Éloge d’un éditeur défunt »
Les pages du n°34 la revue Décapage, en librairie le 4 avril 2008, accueilleront ma fantaisie « Éloge d’un éditeur défunt », sur le bien oublié (et oubliable ?) Décembre-Alonnier.
C’est écrit spécialement pour l’occasion, sur l’aimable sollicitation de Jean-Baptiste Gendarme.
La revue se trouvera en avant-première au salon du livre de Paris (du 14 au 19 mars) sur le stand des éditions de La Table Ronde (N66).
http://revuedecapage.blogspot.com/
L’homme coupé en morceaux, Ouest-Éclair du 24 décembre 1924
Première Recette de cuisine pour mars
Salade d’hommage funèbre
Désossez une vie, coupez-la en tranches fines ; blanchissez à l’eau bouillante. Une fois qu’elle a perdu toute saveur, laissez refroidir et servez figé dans la graisse.
Une autre photo de mon vrai visage (manuscrit)
Février, pensons à l’ami Baudelaire
CHACUN SA CHIMÈRE
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.
Chacun d’eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu’un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d’un fantassin romain.
Mais la monstrueuse bête n’était pas un poids inerte; au contraire, elle enveloppait et opprimait l’homme de ses muscles élastiques et puissants; elle s’agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi.
Je questionnai l’un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu’il n’en savait rien, ni lui, ni les autres; mais qu’évidemment ils allaient quelque part, puisqu’ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.
Chose curieuse à noter: aucun de ces voyageur n’avait l’air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos; on eût dit qu’il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun désespoir; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d’un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.
Et le cortège passa à côté de moi et s’enfonça dans l’atmosphère de l’horizon, à l’endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.
Et pendant quelques instants je m’obstinai à vouloir comprendre ce mystère; mais bientôt l’irrésistible Indifférence s’abattit sur moi, et j’en fus plus lourdement accablé qu’ils ne l’étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
Charles Baudelaire
Mort d’un titan en janvier
Rugosité, textures, tourments et cicatrices, voilà un arbre qui ne respire pas la sérénité. Son torse démesuré, ses bras noueux et pesants sont ceux des esclaves inachevés qu’a sculptés Michel-Ange pour le tombeau d’un pape.
Est-ce un Atlas porteur de la terre et du ciel ? En tout cas, Il est tendu par une fureur immobile de titan enchaîné, un élan fixe qui prend feu en flammes et tourbillons lignés, d’une « beauté convulsive » et « explosante fixe » aurait dit André Breton.
Tout le mystère de la densité et de la matière s’offre là. Chêne s’il en est, triomphant malgré tout, mort debout, encore puissamment planté, il lève des bras féroces.
Il tombera d’un seul bloc, face contre terre, longtemps après la disparition de ceux qui l’ont patiemment ébranché. Et, il sera beau et étonnant, encore, même une fois couché, tout un monde pour le peuple de champignons, d’insectes, d’animalcules qu’il hébergera.
(photographie de P.-A. Touge)
La litanie du sommeil de Tristan Corbière en décembre, pour ceux qui aiment à dormir
Le danseur de novembre
Farouche, il se hausse, d’un bond se relance, grimpe et zigzague vers davantage de lumière, fourche et s’ébouriffe, comme une foudre végétale montée lentement à l’assaut du ciel.
Sur son écorce une blessure trace comme un œil unique, la marque de quelle branche absente, la cicatrice de quel combat ?
(photographie de P.-A. Touge)