Rencontres sous le paulownia

Ce représentant de
l’internationale des arbres
que l’on a baptisé
Paulownia tomentosa
en l’honneur d’une
grande-duchesse de Russie,
puis reine consort des Pays-Bas
Anna Pavlovna Romanova
mécène de recherches botaniques
annonce-t-il quelque opérette
avec ballet de robes violettes
grandes feuilles en forme de cœur
quelque féerie en costumes
d’Obéron et Titania ?

En tout cas
peu d’arbres portent
le nom d’une femme
et, au Japon, paraît-il
on en plantait un à la naissance
d’une fillette
À l’âge du mariage
il était assez grand
pour fournir une dot
et le bois des coffres

Dans le Perche, rue du Bouteiller
le paulownia de Valérie exagère
en particulier au printemps
avec son insolente floraison lilas
puis ses feuilles géantes
et ses capsules à graines
compartimentées
Son tronc lisse croît
à une vitesse surprenante

En Chine on le considérait
depuis des éternités
comme un arbre de bon augure
et on l’associait à l’oiseau mythique
fenghuang parent du phénix
On cultivait dans son ombre
sous son dôme généreux
pour protéger les légumes
de l’ardeur du soleil
sans encore appeler ça
agroforesterie

Pourtant c’est au Japon
où il avait été importé
que le docteur Siebold
employé par les Hollandais
fut le premier Européen
à le décrire

À l’époque, le Japon
interdisait aux étrangers
de poser le pied dans le pays
et Siebold résidait sur un îlot artificiel
dans la baie de Nagasaki

Il invita le peintre japonais
Keiga Kawahara
à travailler avec le dessinateur suisse
Carl Hubert de Villeneuve
et reproduisit ses dessins
dans la Flora Japonica
publiée à Leyde
Lugdunum Batavorum
en mil huit cent trente-cinq
tandis que Keiga Kawahara
éditait au Japon
la première flore scientifique
illustrée

Entre-temps, Siebold
avait aussi planté des paulownias
et engendré
avec une dame japonaise
Kusumoto Taki
une petite fille qui serait
la première à pratiquer la médecine
à l’occidentale

En France, Joseph Neumann
vers mil huit cent trente-six
employé au Museum d’histoire naturelle
sema au hasard des graines
trouvées dans des vases japonais
et un paulownia poussa
qu’il appelle son « enfant »
et dont il distribua des boutures

Mais revenons au Japon
accusés d’espionnage
à cause d’une carte
Siebold sera expulsé
Keiga Kawahara
un temps emprisonné

Renvoyé au pays
Siebold emporta
le paulownia
mais aussi
la renouée du Japon
qui envahit talus et fossés
tous terrains maltraités
De là, ils conquirent l’Europe

Et il y a de la renouée
sur la route d’Appenai
à la sortie du village

Plantes exotiques invasives
ou solution pour piéger
le dioxyde de carbone ?
De quoi faut-il avoir peur ?

Est-ce que la sécheresse
les flammes
les différencient ?

En attendant
l’ombre du paulownia
fait aussi rêver
à la paix entre les peuples

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