Aurel et ses environs offraient aux petits Parisiens que nous étions un luxe de bestioles passionnant par sa variété : arbres, brins d’herbes, rochers grouillaient de vies authentiquement minuscules.
Mais avant de considérer des créatures plus exotiques, à tout seigneur tout honneur, il faut reconnaître qu’au premier abord c’était l’abondance de mouches qui nous impressionnait. En été, il fallait subir leurs attouchements indiscrets, et la plupart des maisons du village étaient décorées de rubans visqueux de papier tue-mouche où, engluées, elles agonisaient bruyamment. Bien plus tard, je m’en suis souvenu en lisant des propos attribués au sévère Martin Luther : « Je suis grand ennemi des mouches, quia sunt imago diaboli et haereticorum ; elles sont l’image du diable et des hérétiques. Lorsque j’ouvre un bon livre, les mouches accourent et se posent, se promènent dessus, comme si elles voulaient dire : “Nous sommes là et nous souillons ce livre de nos excréments !” »
Certaines de ces rencontres nous frappaient de stupéfaction : l’énorme chenille du grand paon de nuit, jaune vif moucheté de points bleu ciel, comme un jouet en caoutchouc, semblait échappée des forêts de l’Afrique. Le sphinx à tête de mort déniché sur la porte du château d’eau, acherontia atropos, portait un dessin tellement évocateur que l’on doutait qu’il fût naturel. Le sphinx colibri, dit aussi « caille-lait », qui butinait les fleurs sans jamais s’y poser, évoquait un oiseau sud-américain.
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