Je l’ai d’abord tué en rêve, ensuite je n’ai pu m’empêcher de le faire vraiment. C’était inévitable.
Je l’ai tué parce que j’étais sûr que personne ne me voyait.
Il m’a dit que cette affaire ne l’intéressait pas. Je ne tiens pas à éclaircir les raisons personnelles qui n’ont rien à voir avec cette histoire. Il m’a assuré qu’ailleurs il achetait ses chaussettes de laine bien moins chères. Ce n’était pas possible. Je les lui laissais au prix coûtant. Je les soldais parce que j’avais un pressant besoin d’argent. Il m’a sorti qu’il les achetait deux cinquante de moins la douzaine. C’était un mensonge indécent. Et il fallait voir avec quelle certitude, avec quel sérieux il m’affirmait ça, en fumant un mauvais cigare. Je l’ai fait avec le poids de deux kilos qui était sur le comptoir.
Vous n’avez jamais tué personne par ennui, parce que vous ne saviez que faire ? C’est amusant.
Il m’a brûlé avec une cigarette, très fort. Je ne dis pas qu’il l’ait fait volontairement, mais la douleur est la même. Il m’a brûlé et m’a fait mal, j’ai vu rouge et je l’ai tué. Moi non plus, je n’avais pas l’intention de le faire, mais j’avais cette bouteille à la main.
Il tua sa petite sœur la nuit des Rois parce que tous les jouets étaient pour elle.
Je l’ai tué parce qu’ils m’ont donné vingt pesos pour que je le fasse.
il m’avait mis un morceau de glace dans le dos. Le moins que je puisse faire était de le refroidir.
Comment peut-on m’accuser de l’avoir tué alors que j’avais oublié que mon pistolet était chargé ? Tout le monde sait que je n’ai pas de mémoire. Alors maintenant on va dire que c’est ma faute ? Ça, c’est un comble.
Max Aub, Crimes exemplaires, Phébus libretto.