Non! — Je disais, je répétais, non! J’étais le négateur, le veuf,
le ténébreux. Je disais non. Je ne savais pas si j’avais raison mais je
m’obstinais à nier, à contrarier. Sans doute étais-je resté bloqué à
un stade de l’enfance ou dans la deuxième partie d’une de ces
dissertations qu’on m’avait fait écrire au lycée. Je ne dialectiquais
pas; je ne dépassais pas. Je n’étais pas le fils de Nietzsche, j’étais le
fils de Nicht ! C’était ma pose et ma vérité. Je ne savais pas dépasser
le nihilisme, le culte du refus. J’étais resté au fond; j’appréciais
l’absence de sens du monde et j’emmerdais les philosophes. J’avais
peur des mensonges; je ne voulais pas me compromettre. Alors
faute de mieux, je niais et je reniais, avec fureur, en espérant qu’il
en resterait une trace. Je niais jusqu’à la vie, jusqu’au plus
élémentaire bon sens. Je me niais moi-même. Peut-être qu’ainsi
une ombre de vérité continuerait à m’accompagner.
C’était comme si j’avais été oublié au fond de la casserole,
dans un petit purgatoire : j’avais attaché et j’avais noirci. La colère
ne me quittait pas; elle marchait dans mes pas. J’allais m’obstiner;
j’allais les défier.