On croyait Marle Bévis mort, aphasique ou voué aux bredouillements séniles, or, voici que le vieux littérateur fait paraître aux éditions Pôle-Nord, un roman court et acéré intitulé Les Variations. C’est une nuit de décembre à Strasbourg, et la neige tombe pour la première fois de l’année. Dans l’opéra du Rhin, une jeune pianiste prodige et japonaise, que son amant vient d’abandonner, joue les Variations Goldberg de Bach. Et toute l’action du roman se déroule pendant l’heure vingt-trois minutes de musique qui sépare l’aria initiale de celle de clôture. Du bord de l’Ill, on suit l’errance d’un sans-abri d’origine croate, puis une dispute conjugale dans une péniche naviguant sur le canal Rhin-Rhône ; à la taverne, la beuverie de trois cadres de la société générale alsacienne, dont l’un, sans l’avouer, vient de dissiper des millions qui ne lui appartenaient pas. L’amour, le chagrin, la trahison reviennent, comme les thèmes des Variations dans la partition. Une larme tombe sur l’ébène des touches, et l’on ne sait décider si ce livre est un vrai texte humain ou une ultime escroquerie, spécialement cruelle et subtile.