La tempête va tout balayer — qu’elle vienne !—
Plus l’écume d’un seul oiseau
entre moi-même et le regard.
Le grand vent se pose partout,
il vérifie la solidité des astres —
mais où est-il passé l’espace ?
La solitude vient — est-ce bien la dernière ?
Quelqu’un déjà tourne de l’œil
dans un naufrage sans mémoire.
Voici que des soleils très mûrs
marquent l’éveil des insomnies
— mais où est-il passé le temps ?
Je sens qu’il faudra être grand
dans cette solitude vierge
que vient de balayer le vent —
oiseaux plus grands que neige…
Nuit de tonnerre !
La guerre civile fait rage,
les hommes mordent le trottoir
avant de tomber dans le vide —
mais où est-elle passée la mer ?
Joie à venir, affreuse joie !
De ce rayonnement obscur
quelle est ma part de lumière ?
Ô comme je voudrais quitter
ce cœur de papier que l’on froisse —
et cette molle éternité !
Benjamin Fondane, Le Mal des fantômes, Verdier poche (de beaux livres)