Je vous écris d’un pays lointain
la cie passages vous invite à découvrir:
« je vous écris d’un pays lointain »
petite forme spectaculaire et apicole d’ombres et de bougie,
inspirée par le poème éponyme de Henri MICHAUX
réalisé par Sabine Rosnay et Violaine Roméas
avec la musique de Hervé Bourde à la flûte alto
Un miracle assurément, non pas misérable, mais ténu.
De ce spectacle, on dira seulement que son charme tient pour beaucoup à son dépouillement et à son extrême fragilité. La flûte, le cadre de bois vraisemblablement tiré d’une ruche, l’écran de papier calque sur lequel de simples hiéroglyphes sont tracés, la flamme du tronçon de bougie qui vacille, tout est d’une extrême délicatesse, tout est dangereusement frêle et c’est précisément là qu’est l’enchantement. On assiste à un spectacle qu’un rien, craint-on, suffirait à renverser et à réduire à néant. La voix de la diseuse, elle-même, est discrète et le spectacle se vit dans une tension que suscite la peur de le voir disparaître. Et pourtant, il est là, il vit, souvent nostalgique, parfois drôle. Et ces lettres adressées de très loin, de trop loin sans doute pour que celle qui écrit revoie jamais leur destinataire, tracent une expérience philosophique qui est à nos yeux l’expérience par excellence, celle qui porte un regard autre, un regard étranger sur nos réalités les plus quotidiennes, feuilles, nuées, mer, soupirs, qui ressuscite la peur, l’embarras, le vertige qu’elles peuvent provoquer la première fois qu’on est en contact avec elles. Parce que réellement le monde est autre, et il est surprenant, ce que seules l’habitude ou la lassitude font oublier. Au delà de la science et de ses computations, au delà de nos perceptions inexactes s’étend le continent infiniment obscur de la réalité. Et Henri Michaux est un guide sans pareil, quand il est question de perdre ses certitudes.
En plus de cette dimension philosophique, le travail de la compagnie passages restitue également la part de l’intime et de l’affectif de cette correspondance à une seule voix, qui se construit d’ailleurs au fur et à mesure, puisqu’au départ la femme qui parle « dit » et qu’à la fin seulement il est écrit qu’elle « écrit ». On sent bien que les retrouvailles qu’elle espère risquent de n’avoir jamais lieu, elle écrit d’un pays si lointain, où, à suivre le texte, il semble que ne vivent que des femmes, qu’on se demande s’il ne se trouve pas au-delà du fleuve que personne ne peut traverser plus d’une fois.
L’idée de confier à chaque spectateur un fragment de poème dans une enveloppe, pour qu’il l’envoie à un autre des spectateurs prolonge heureusement la correspondance dans son au-delà, celui de la vie quotidienne.
Au dernière nouvelle, le flutiste va laisser place à un violoncelliste… Le mystère persiste.
Compagnie Passages
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